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Interview

Transparence et proposition choc :

comment René Dosière veut casser les idées reçues sur les privilèges des politiques

Le président de l’Observatoire de l’éthique publique a été missionné par François Bayrou pour plancher sur les rémunérations des ministres, hauts fonctionnaires et élus. Cet ancien député, pourfendeur de l’opacité et des dérapages dans la gestion des deniers publics, veut aussi réhabiliter les politiques aux yeux de l’opinion, en montrant que leurs rémunérations et avantages sont bien plus faibles qu’à l’étranger et dans le secteur privé.

Transparence et proposition choc :
René Dosière - Président de L'OEP

Aura-t-il le temps de mener à bien la mission confiée par François Bayrou ? René Dosière, président de l’Observatoire de l’Ethique Publique, un think tank qui réunit politiques et chercheurs, ne se pose pas trop la question. Il avance. Et met en place une équipe – un magistrat de la Cour des comptes, un fonctionnaire de Matignon et deux universitaires — pour répondre à la demande du Premier ministre de passer au crible le train de vie de l’Etat et les rémunérations et éventuels avantages des ministres, élus et hauts fonctionnaires. Si le locataire de Matignon devait démissionner le 8 septembre, en n’obtenant pas la confiance de l’Assemblée, la mission Dosière se poursuivra, pronostique-t-il. L’éventuel nouveau Premier ministre n’arrêterait sans doute pas ce chantier, qui doit durer trois mois, sur un sujet qui préoccupe beaucoup les Français.

François Bayrou lui a confié cette mission après avoir reçu de « très nombreux messages » de citoyens estimant qu’il fallait « toucher aux privilèges des responsables politiques, des parlementaires ou des membres du gouvernement. Les Français, pour beaucoup d’entre eux, en sont venus à penser que les politiques s’en mettaient plein les poches, que c’était une gabegie d’argent public. Il faut éclaircir tout cela », a souligné le locataire de Matignon.

Le choix de René Dosière pour éclairer ce sujet est pertinent. Pendant les deux décennies passées sur les bancs de l’Assemblée, l’ex député a été en pointe dans le contrôle méthodique de la gestion des deniers publics. Avec son fait d’armes : la révélation des dérapages et dépenses somptuaires à l’Elysée – il a écrit plusieurs livres sur le sujet —, qui ont été pour la plupart supprimées, en partie grâce à son action.

 

Des rémunérations plus faibles qu’à l’étranger

Alors, à 84 ans, comment ce pourfendeur des avantages indus ou opaques des politiques appréhende-t-il sa mission ? « Elle doit faire toute la transparence sur les rémunérations des ministres, des hauts fonctionnaires et des élus, et faire des rapprochements avec nos homologues étrangers et le secteur privé en France, souligne René Dosière. Il y a une grande méconnaissance du niveau des indemnités de nos élus, qui alimente la défiance vis-à-vis de nos politiques. »

L’argument est détaillé dans une note du 26 août de son Observatoire de l’éthique publique, rédigé par son directeur général Matthieu Caron, qui « veut tordre le cou à l’idée populiste selon laquelle nos élus cherchent systématiquement à s’enrichir ». Il résume l’approche du think tank de Dosière : « Il nous apparaît paradoxal que les indemnités des élus, qui sont plafonnées à 5 smics bruts mensuels (8 900 euros environ), soient en permanence remises en cause à une époque où les rémunérations des plus hauts dirigeants d’entreprises privées avoisinent les 300 smics mensuels en moyenne, sans parler des plus grands sportifs français dont la rémunération peut atteindre l’équivalent de 3 000 smics par mois ». René Dosière va d’ailleurs pousser son équipe à établir un comparatif précis des rémunérations public-privé, à responsabilité équivalente.

 

Proposition choc : augmenter la rémunération des ministres

En clair, ce pourfendeur des dérapages des politiques veut aussi réhabiliter nos élus. « Le sujet n’est pas financier. Si on ajoute, les budgets de l’Assemblée, du Sénat, du gouvernement et de l’Elysée, cela représente environ 1,5 milliard d’euros. Soit une part infime des dépenses publiques [1 670 milliards en 2024, selon l’Insee ; ndlr], souligne Dosière. Le sujet est démocratique. Il faut rétablir la confiance vis-à-vis des politiques en étant transparents et exemplaires ».

Son Observatoire de l’éthique publique porte ainsi de nombreuses propositions pour supprimer certains avantages matériels jugés injustifiés, comme les logements de fonction accordés aux ministres, et lever le voile sur certaines dépenses opaques, notamment les frais de bouche des cabinets ministériels et les frais de représentation des ministres. Mais ce think tank a aussi une proposition choc : augmenter la rémunération des ministres de plus de 40 %, en la portant à 14 200 euros par mois, son niveau avant qu’elle ne soit amputée par François Hollande, lorsqu’il était à l’Elysée. Car aujourd’hui, les membres de cabinet ministériels sont parfois mieux payés que leur ministre.

Pour rétablir la confiance des citoyens envers leur personnel politique, René Dosière compte aussi sur la déontologie, concept qui peut paraître fumeux mais qui est essentiel pour lui : « la déontologie, c’est la prévention, c’est l’art de se poser les bonnes questions sur les pratiques et les règles ». Crucial car chaque scandale médiatique – comme les dîners de François de Rugy à l’Assemblée – a un effet dévastateur dans l’opinion. Son think tank a d’ailleurs multiplié les travaux sur la création d’un poste de déontologue au gouvernement et à l’Elysée, comme il en existe dans les deux chambres du Parlement. Mais pour l’heure, ces suggestions sont restées lettre morte. Visiblement, les politiques n’ont pas vraiment pris conscience des dégâts dans l’opinion de leurs dérapages…

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Publié le 28/08/2025 ∙ Média de publication : Challenge

L'auteur

Thierry Fabre